CV truqués

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Written on 23:49 by Noémie

Plus de la moitié des CV comporterait des informations erronées


Pièce incontournable de toute candidature, il est censé résumer de manière succincte et objective le parcours du postulant. Dans la pratique, le CV ne répond pas toujours à cet idéal de rigueur… Différentes études montrent en effet que plus de la moitié comporterait des arrangements (petits ou gros) avec la réalité. Expérience professionnelle gonflée, diplôme ajouté, pratique des langues surestimée sont parmi les artifices les plus fréquemment repérés.
Les difficultés sur le marché du travail n’ont fait qu’accentuer une pratique qui a vraisemblablement toujours existé. Le cas de Jacques Labeyrie a récemment défrayé la chronique. Nommé directeur de l’Ecole Centrale de Lyon, l’ancien président de l’ADEM avait cru bon d’enrichir son CV des titres de normalien et d’agrégé. Et personne n’avait jugé utile, lors de son recrutement, de vérifier ses dires. Exemple édifiant qui rappelle que la culture du contrôle systématique n’est pas du tout ancrée dans les mœurs de nos DRH, contrairement à leurs confrères allemands.


Etre diplômé d'une grande école sans y avoir mis les pieds, c'est le miracle que proposent certains sites Web. Pour empêcher les candidats de succomber à la tentation, les recruteurs renforcent leurs contrôles.

Vous rêvez d'un MBA en ressources humaines de l'université du Michigan ? Votre maman adorerait que vous soyez graduate de l'University of London ? Vous avez de la chance, tous ces diplômes sont actuellement en promotion sur Internet : il vous en coûtera entre 100 et 295 dollars seulement pour le diplôme "officiel" et le relevé de notes. Bien sûr, il s'agit de faux, mais parfois de très bonne qualité. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou dans certains pays en voie de développement, le phénomène semble prendre de l'ampleur. Le nombre de sites proposant ces services pullulent d'ailleurs sur le Net. Il suffit de choisir 
parmi une liste impressionnante d'universités et d'écoles, le niveau de diplôme et le cursus que vous souhaitez.


Explosion du nombre de formations

La fraude au diplôme pourrait être promise à un bel avenir. D'abord parce que le nombre de formations a explosé ces dernières années : formations longues ou courtes, diplômantes ou non diplômantes, MBA divers... Difficile pour un DRH ou un consultant en recrutement d'y retrouver ses petits. En plus, ce dernier doit également être incollable sur les formations américaines, européennes, japonaises et maintenant chinoises, car les étudiants sont de plus en plus nombreux à faire leurs études hors de France. Pour éviter de se faire rouler sur la marchandise, le DRH a plutôt intérêt à connaître aussi les universités bidons, comme les fameuses Harrington Universait ou University of San Moritz : leurs amphis n'existent que sur Internet et elles délivrent un diplôme sur la foi d'un simple entretien téléphonique à propos de vos expériences professionnelles, et éventuellement d'un questionnaire de culture générale. Dans les années 80, le phénomène des universités fantômes avait pris une telle ampleur que le FBI avait créé une unité spéciale (DipScam) pour faire la chasse à ces "Diploma Mills" (moulins à diplômes). Cette unité a été dissoute au début des années 90 après avoir obtenu la fermeture de la majorité d'entre elles. La montée en puissance d'Internet a de nouveau facilité la vie des faussaires.

Face au problème des CV trompeurs, les entreprises françaises se voient obligées d'être vigilantes

Face au problème des curriculum vitae trompeurs, les entreprises françaises, défavorisées par la jurisprudence, se voient obligées d’être vigilantes. Des initiatives se créent pour les épauler dans leur travail de vérification des CV.
Dans le monde merveilleux des CV, tout paraît toujours parfait : les stages ont été systématiquement enrichissants, les anciens emplois valorisants, et le trilinguisme règne. Mais, selon plusieurs études parues récemment, ces CV seraient assez largement enjolivés : par exemple, selon le cabinet de conseil Florian Mantione Institut, 75% de ces CV seraient concernés. Ce chiffre englobe évidemment toutes les imperfections recensées. Tous les postulants ne sont pas à l’image du « mythomane complet », comme celui rencontré un jour par Jean-François Drouot-L’Hermine, le président de Syntec Recrutement. « Ce candidat s’était rajeuni de cinq ans, prétendait être diplômé d’ HEC Lausanne alors qu’il sortait de l’école d’hôtellerie de Lausanne et affirmait avoir quitté son employeur depuis trois mois au lieu de trois ans ! », raconte-il. Ce niveau d’invention reste rare : en revanche, parmi les mensonges les plus courants, on compte les exagérations sur les rémunérations antérieures, et les déclarations fantaisistes quant au nombre et au niveau de langue possédées par les candidats.
Dans ce contexte, quelques sociétés tentent de capter un nouveau marché : celui de la vérification des CV.

Une part du processus de sélection

Le marché de la vérification serait-il sur le point d’exploser ? Rien n’est moins sûr. « Les entreprises françaises sont peu méfiantes et très peu d’entre elles prêtent une attention réelle à la vérification des CV », note Didier Vuchot, du cabinet Korn Ferry. « Ce genre de pratique ne fait pas partie des mœurs françaises, souligne Jean-François Drouot-L’Hermine, tandis que chez nos voisins, la vérification est quasiment systématique. » Dans le modèle anglo-saxo, les candidats présentent d’emblée plusieurs références sur leurs curriculum vitae, que les employeurs ne manquent d’ailleurs pas d’appeler. De fait, en France, les entreprises comptent avant tout sur l’entretien d’embauche pour cerner leurs candidats et repérer les éventuelles tromperies.
Chez Accenture, les postulants passent « au minimum trois entretiens, ce qui permet de limiter les risques », indique-t-on au siège.
Air France pratique la même politique. « On profite de l’entrevue pour vérifier les flous du CV, pour recouper les dates et tester les niveaux de langue », précise Marie-Pierre Seigneur, chargée du recrutement.
Les recruteurs (cabinets de recrutement comme entreprises) prennent tout de même la peine de faire de plus amples vérifications lorsque leur choix se fixe enfin sur un unique candidat. « C’est même compris dans le prix de notre prestation, affirme Jean-pierre Vermès, du cabinet de conseil en recrutement TMP worlwide. Pour nous, ce genre de service de vérification n’a de sens que s’il s’inscrit dans processus complet de sélection du candidat.
Reste que les entreprises, qu’elles vérifient par elles-mêmes les CV ou qu’elles externalisent ces tâches, ont intérêt à être prudentes. Car en cas de litige, l’avantage est donné aux salariés.
Certes, selon le Code civil, « un contrat de travail peut être déchiré si une des parties a commis une manœuvre frauduleuse ». Mais le fait de communiquer de fausses informations n’est pas considéré comme une fraude, à partir du moment où l’entreprise était en mesure d’effectuer des vérifications avant l’embauche. Depuis 1992, un texte stipule que l’employeur a, non seulement le droit, mais aussi le devoir de s’informer sur le parcours professionnel du candidat. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont donc donné raison à des salariés qui avaient menti sur leurs diplômes ou leur parcours professionnels. A bon entendeur…

TEST : VOUS FERIEZ-VOUS BERNER ?

Cinq questions pour vérifier votre connaissance des diplômes internationaux : 

1 Si vous êtes diplômé de Belford University, les DRH se battront pour vous recruter.

2 Un part-time MBA est un MBA suivi par un salarié qui travaille à mi-temps. 

3 Un bachelor désigne seulement un acteur de la télé-réalité. 

4 GMAT, TOEFL et TOEIC sont trois sigles différents pour dire la même chose.
5 L'AACCSB est une fédération sportive américaine.


Réponses :
 
1 - Faux, étant donné que cette université virtuelle se targue de délivrer des diplômes sans avoir besoin de suivre de cours ou dépasser d'examens.
 
2 - Faux, c'est un MBA effectué en plus de son travail soir et le week-end.
 
3 - Faux, c'est aussi le nouveau standard européen pour les diplômés de niveau bac+ 3. Il est directement inspiré du modèle américain.
 
4 - Faux, le premier est un test de raisonnement en anglais, le Toefl et le Toeic testent le niveau d'anglais mais le Toeic évalue sa pratique dans un contexte professionnel.
 
5 - Faux, c'est l'Association to Advance Collegiate Schools of Business qui délivre des agréments aux écoles de gestion selon certains critères.



Si les recruteurs nient l'ampleur du phénomène "fraude au diplôme" en France, ils sont devenus prudents. Au département Carrières de l'association des anciens d'HEC, on reçoit chaque année 400 demandes de DRH et consultants qui veulent savoir si la personne qu'ils s'apprêtent à intégrer a bien son nom dans les annuaires de l'école. En entretien, ils sont vigilants sur la cohérence de la candidature : le diplôme, le parcours, mais aussi l'attitude et la présentation de la personne. "Un surdiplômé qui a eu un parcours atypique et une présentation qui laisse à désirer va nous mettre la puce à l'oreille." Pierre-Emmanuel Dupil, directeur de la division commerciale et marketing de Michael Page, redouble d'attention quand il a affaire à des commerciaux : "Les vendeurs ont vocation à présenter les choses sous leur meilleur jour." D'autres recruteurs multiplient les mesures de contrôle : "J'affiche la couleur. Quand je convoque un candidat, je lui demande de venir avec son diplôme, son certificat de travail et ses trois derniers bulletins de salaire... Comme ça, il sait que chez nous on ne rigole pas. Les gens pas clairs avec leur conscience ne viennent pas", affirme Florian Mantione. A quand le CV et les diplômes insérés dans une puce électronique inviolable, elle-même glissée sous la peau des candidats ? Les recruteurs n'auraient plus qu'à les faire passer sous des portails de sécurité pour être sûrs d'avoir affaire à de l'Essec de première catégorie ou du polytechnicien élevé en plein air...

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